mardi 4 décembre 2012

F. Napalm


Larbi écrit à Jeanne

Le Napalm ! La terreur des paysans. On en voyait beaucoup à l’indépendance, atrocement brûlés, leur chair violacée comme aspirée et figée dans une torsion de lave durcie.
Avec leur regard interrogatif et leurs passages furtifs, ils semblaient des survivants involontaires.

Et puis, ils ont disparu, comme si leur présence protestait contre la paix.


Jeanne écrit à Larbi

Vous voyez, enfant vous aussi, vous saviez déjà, pendant la guerre, des choses que je n’ai apprises qu’après, bien après. Pour moi, le napalm, c’était le Vietnam, la guerre du Vietnam. Imaginer que des avions aient pu voler en rase-motte sur des villages du pays où je vivais, m’est encore inconcevable. Cela, au point que je n’avais jamais pensé à la réalité des brûlures sur la peau. Voilà pourquoi, nous devons nous parler, Larbi. Pour prendre la juste mesure des choses, pour cesser de minimiser, de relativiser, d’ignorer ce qui a fait notre destin et les séparations.



Larbi écrit à Jeanne

Cela se passait dans les régions boisées de Kabylie, de l’Ouarsenis, de l’Atlas blidéen, de la presqu’île de Collo (Il y pleut 300 jours par an. A l’indépendance, le colonel de cette garnison aurait levé au ciel des pataugas, comme un drapeau, vous savez, Jeanne, ces chaussures en tissu kaki, tous les moudjahidine les portaient) ; les forêts de Djidjelli, celles de l’Edough et quasiment toutes les  zones interdites ont eu leur quota de napalm !
A Collo et El Milia, Jeanne, chaque mètre carré est semé d’un kilo d’acier.


Les zones interdites sont ces régions où tout arabe ne pouvait être qu’un fellagha ! qu’on pouvait arrêter, interroger, torturer, ou avec un peu de chance, seulement emprisonner.

Ces zones que l’armée, pour être tranquille, vidait de ses habitants. Les paysans étaient transférés et parqués dans des camps de regroupement.

1 commentaire:

  1. la guerre s'impose dans la démesure
    la paix n'est qu'un feu qui couve ,s'embrasera dans autre incendie

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