Larbi écrit à Jeanne
Le Napalm ! La terreur des paysans. On en
voyait beaucoup à l’indépendance, atrocement brûlés, leur chair violacée comme
aspirée et figée dans une torsion de lave durcie.
Avec leur regard interrogatif et leurs
passages furtifs, ils semblaient des survivants involontaires.
Et puis, ils ont disparu, comme si leur
présence protestait contre la paix.
Jeanne écrit à Larbi
Vous voyez, enfant vous aussi, vous saviez
déjà, pendant la guerre, des choses que je n’ai apprises qu’après, bien après.
Pour moi, le napalm, c’était le Vietnam, la guerre du Vietnam. Imaginer que des
avions aient pu voler en rase-motte sur des villages du pays où je vivais,
m’est encore inconcevable. Cela, au point que je n’avais jamais pensé à la
réalité des brûlures sur la peau. Voilà pourquoi, nous devons nous parler,
Larbi. Pour prendre la juste mesure des choses, pour cesser de minimiser, de
relativiser, d’ignorer ce qui a fait notre destin et les séparations.
Larbi écrit à Jeanne
Cela se passait dans les régions boisées de
Kabylie, de l’Ouarsenis, de l’Atlas blidéen, de la presqu’île de Collo (Il y
pleut 300 jours par an. A l’indépendance, le colonel de cette garnison aurait
levé au ciel des pataugas, comme un drapeau, vous savez, Jeanne, ces chaussures
en tissu kaki, tous les moudjahidine les portaient) ; les forêts de
Djidjelli, celles de l’Edough et quasiment toutes les zones interdites
ont eu leur quota de napalm !
A Collo et El Milia, Jeanne, chaque mètre
carré est semé d’un kilo d’acier.
Les zones interdites sont ces régions où tout
arabe ne pouvait être qu’un fellagha ! qu’on pouvait arrêter, interroger,
torturer, ou avec un peu de chance, seulement emprisonner.
Ces zones que l’armée, pour être tranquille,
vidait de ses habitants. Les paysans étaient transférés et parqués dans des
camps de regroupement.
la guerre s'impose dans la démesure
RépondreSupprimerla paix n'est qu'un feu qui couve ,s'embrasera dans autre incendie