jeudi 15 mars 2012

61. Casseroles


Je me souviens de l'époque où ont commencé les concerts de casseroles.

Comment est-il possible d'associer deux mots tels que concert et casseroles ?

Il fallait se mettre aux fenêtres, dans une main une casserole qu'on tenait pas la queue et dans l'autre une cuillère que j'imagine de bois.

Je me souviens que les voisins scandaient un rythme 3-2, qui signifiait Algérie française.

Ce rythme trois deux répété à l'envie emplissait l'air et cassait les oreilles.

Nous attendions simplement que les voisins cessent pour pouvoir dormir et il n'était pas question de participer à ces cacophonies.

Le rythme trois brèves deux longues pouvait être obtenu avec des klaxons de voiture, ce qui n'était pas moins assourdissant.

Sara s'inquiétait que les voisins s'aperçoivent que nous ne participions pas aux concerts, et que nous ne pavoisions pas.

Je me souviens que pavoiser, c'était accrocher un drapeau bleu blanc rouge à la balustrade du balcon.

Un mot d'ordre arrivait et il aurait fallu pavoiser.

Comme les voisins pavoisaient, il aurait fallu les imiter. Ainsi, de proche en proche les balcons se couvraient de drapeaux tricolores.

Dans la Cité, chacun savait qui pavoisait et tapait les cinq coups sur les casseroles et qui s'abstenait.

Quand les plasticages ont commencé, il est devenu dangereux de ne pas participer aux concerts de casseroles ou de ne pas pavoiser.

Quand les plasticages ont commencé, Sara éteignait toutes les lumières les soirs de concert.

Un jour, Sara, défiant le Père, a cousu un tout petit drapeau tricolore pour le balcon de la chambre du fils. Était-ce dans l'automne 1960 ?


(à suivre...)


LB 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

écrivez moi :