Je me souviens de ses pieds posés sur le rectangle de métal ouvragé, le pied droit un peu plus haut que le gauche.
Je me souviens du mouvement que ses
pieds imprimaient à la plaque, quand le droit appuyait en haut puis le gauche
en bas. C'était une danse, et les mains de Sara guidaient le tissu, la tête
penchée sur la machine. La main gauche en avant, la droite en arrière.
Je me souviens de la manière dont le
mouvement des pieds
se transmettait par une roue équipée
d'une courroie de cuir jusqu'à l'aiguille.
La danse était dans la machine mais
aussi dans le corps de Sara, répétitive, rassurante, un bercement.
Je me souviens que Sara aimait coudre.
Je me souviens que j'admirais Sara
quand elle cousait, la danse de son corps qui guidait la machine et l'objet de
tissu qui apparaissait.
Les jambes freinaient la roue qui
risquaient d'emballer le va et vient de l'aiguille, le temps d'ajuster le
tissu.
Les mains superposaient délicatement
les pans que la piqûre devait assembler.
Si la roue n'obéissait pas aux pieds
agiles de Sara et que l'aiguille mordait le tissu où elle ne devait pas, Sara
s'arrêtait soudain.
Sara rassemblait l'ouvrage sur ses
genoux puis entreprenait de découdre avec un petit instrument pointu et coupant
en forme de bec d'oiseau.
Elle passait la pointe aiguë du bec
sous le fil, l'enfonçait pour que la petite lame le coupe net et recommençait
pour le point suivant.
Quand chaque point avait été défait un
à un, la danse recommençait.
Tout semblait aller bien et parfois ça
déraillait. Un instant d'inattention et l'harmonie était brisée.
(à suivre...)
LB
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
écrivez moi :